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Société des Missions Africaines de Strasbourg
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La SMA mène diverses actions en faveur de la santé, de la condition féminine et de l’éducation.

La miséricorde selon le pape François
Article mis en ligne le 10 juin 2016
dernière modification le 26 juillet 2020

par Jean-Pierre Frey

Méditation

Ou la croix plus forte que la loi car la loi exclut jusqu’à donner la mort. Mais par la croix Jésus pardonne en poussant son cri qui explique sa présence : Père pardonne-leur…

En effet, Jésus est mort pour donner la vie, et la vie en plénitude. Cela suffit, dit François. Encore faut-il au moins que les baptisés pensent comme lui, ce qui n’est pas évident du tout. Car Il y en a bien quelques uns parmi nous qui aimeraient voir zigouiller [1] un tel ou un tel.
La force et le sens de la formule papale viennent d’un passage de l’évangile, l’épisode de la femme adultère [2]. C’est le péché par excellence pour les phallocrates qui ont amené cette femme à Jésus et qui avaient déjà reluqué la pierre qu’ils allaient jeter pour l’expédier religieusement dans une mort méritée au nom de la loi. Car on est toujours couvert au nom de la loi. Beaucoup dans notre monde d’aujourd’hui pensent qu’ils vont se retrouver tout joyeux dans les champs éternels damés d’étoiles en tuant ainsi celui qu’ils jugent impie.

Andréa Tornielli, vaticaniste et journaliste au quotidien La Stampa est un de ceux qui ont interviewé le pape ; de ses conversation avec lui, il a sorti son dernier livre, Le nom de Dieu est miséricorde [3]. Il nous signale que le pape, dès le début de son ministère et en l’espace d’un an à peine, a commenté deux fois ce texte qui lui semble être la base-même de son idée sur la miséricorde divine.
Ce passage de l’évangile de Jean est pourtant traître et ambigu. En effet, il va être difficile à Jésus de « contourner » tous ces auditeurs mal intentionnés et friands de ce qui les attend. Mais il les renverra à leurs propres péchés, donc à leur hypocrisie, ce qui ébranlera leurs motifs pour condamner cette femme selon leurs principes.

Voici comment Jésus procède, en un dialogue plus silencieux qu’audible. Certes, cette femme est coupable, et même coupable de mort. La loi le dit, et qui va oser contredire la loi ? Mais il veut leur montrer qu’il n’est pas venu pour donner la mort et qu’il donnera bientôt sa vie pour que la mort infligée par les hommes au nom de la loi soit exclue à tout jamais. Il annonce déjà une victoire de la croix sur la loi inhumaine.
Et il continue : vous qui accusez cette femme et la jugez coupable, qui vous a donné le pouvoir de juger et de condamner ? Car Dieu seul est juge et de la vie et de la mort. En ramassant la pierre pour la jeter sur la femme en criant : pécheresse, prend ce que tu as mérité, vous avez vous-mêmes transgressé la loi. Vous êtes donc tous des pécheurs. Alors, que celui qui juge qu’il est sans péché lui jette la première pierre. Et c’est le retrait en silence de toute la troupe… Femme, où sont-ils ? Va et ne pèche plus. Jésus ne veut pas la mort du pécheur, il veut qu’il vive. Mais cela, il n’y a que la miséricorde qui puisse l’obtenir.

Dans l’histoire de l’Église, nous avons ainsi usé et abusé de la loi sans miséricorde. Nous avons brûlé les sorcières et les hérétiques au nom de la loi ; nous avons exclus et chassé ceux qui ne pensaient pas comme nous, toujours au nom de la loi… Aujourd’hui, François aimerait créer dans son Église un grand courant de miséricorde qui appelle tous les pécheurs pour les intégrer dans la grande assemblée en laissant à Dieu le temps de juger et de condamner. Ce qu’il ne fera pas, puisqu’il a un cœur de Père.

Si nous lisons l’évangile dans son ensemble d’un peu plus près, nous voyons que toute rencontre avec Jésus est une occasion de changement et de conversion : Pierre le pêcheur et sa bande de Capharnaüm laissèrent tout pour le suivre, de même que Lévi, le douanier, qui avec ses amis lui offrira un repas messianique. Une invitation pour tous les invités à faire de même : tout laisser et le suivre…
Zachée, le subtil détrousseur, donne bien plus après sa rencontre avec Jésus qu’il n’a subtilisé. Les rencontres avec Jésus sont ainsi comme des portes étroites de dépouillement et de conversion. Il n’enferme pas, il n’exclut pas, mais il libère et encourage : Femme va et ne pèche plus… Que celui qui n’a pas de péché lui jette la première pierre… C’est le noyau de la miséricorde, la graine jetée qui va donner son fruit : la miséricorde est d’abord l’état d’un esprit et d’un cœur ouvert.

C’est cet esprit que François, le pape jésuite et mystique, aimerait voir fleurir dans son Église, loin de tout légalisme trop rigoureux et de tout dogmatisme trop froid. Il est vrai qu’il s’est mis en route pour un chemin qui sera long et sinueux. Mais c’est un chemin de confiance et d’espérance au milieu des tueries qui se font dans ce monde au nom du Tout-Puissant.