
A Saint-Pierre, des Pères retraités se souviennent de leur apostolat au Togo.
Materne HUSSHERR
En janvier 1961 j’ai quitté ma mère et la neige d’Alsace pour rejoindre Marseille. C’est le P. Marius Micoud qui nous a accueillis pour nous mettre, quelques jours plus tard, sur un bateau en partance pour Lomé, au Togo. Nous étions 7 confrères SMA à bord.
Après un très agréable voyage de 15 jours, nous avons été accueillis à Lomé par le Régional SMA, le P. Ugo Bosetti, et par le P. Francis Kuntz. Les travaux de la Maison Régionale SMA à Lomé-Bè n’étant pas terminés, nous étions logés provisoirement chez des confrères en ville. Fin février 1961, nous pouvions emménager à Bè. Pendant 6 mois, sous la direction de notre Supérieur, le P. Paul Welsch, nous avions des cours de langue locale du Sud Togo, l’éwé, et les dimanches nous étions répartis dans les différentes paroisses de Lomé et des environs. Tout était nouveau et beau. Quelle bonne et belle mise en route !
Fin juillet, les P. Welsch et Bosetti nous ont donné les nominations. Pour moi, c’était Tomegbé, dans le Litimé, la région Akposso où j’ai trouvé les P. Raymond Cottez et Robert Simon. En 1962, ce dernier fut muté à la Paroisse Ste Famille à Atakpamé et je suis resté avec le P. Cottez, Jurassien de naissance arrivé au Togo en 1928 ! Quel homme charmant, sociable au possible, toujours positif ! Il faisait vraiment bon vivre avec lui. D’ordinaire, il m’appelait « fiston », mais il y avait parfois de petits nuages, qui se dissipaient en général assez vite. Avec sa tête et ses mains, il savait tout faire. En plus d’un bricoleur né, c’était un missionnaire « du fond du cœur ». Tous les jours : messe, bréviaire, chapelet et visites au St. Sacrement.
Visites régulières aussi à la vingtaine d’annexes et catéchisme dans les écoles primaires de la paroisse. Pour moi, c’était un très fructueux apprentissage auprès du « Fadagân », le « Père-grand ». J’étais « fadavi », le « Père-petit », responsable des 11 écoles primaires de la paroisse et Directeur du Cours Complémentaire St Jean Bosco. En cela, j’étais bien conseillé et aidé par Sr. J. Brochard, la Directrice de l’école des filles. Ce travail d’implantation des écoles dans une région bien difficile d’accès à l’époque m’a valu d’être promu « Chevalier de L’Ordre National du Mérite » et décoré par l’Ambassadeur de France au Togo.
En 1970, le cœur gros, j’ai quitté le « Fadagân » pour la paroisse St Joseph de Pagala, où je suis resté seul pendant 2 ans. Début octobre 1972, j’ai eu la grande joie d’accueillir le P. Jean Klein. Ensemble nous avons desservi le secteur avec succès. A cette époque nous avions aussi des rencontres régulières entre confrères du Secteur Nord du Diocèse d’Atakpamé. C’était positif et nous aidait à partager nos pratiques et initiatives pastorales ainsi qu’à garder l’esprit d’unité. Après Pagala, je suis retourné dans le Litimé, à Badou, rejoindre le P. Georges Klein. C’était en 1990, le secteur était christianisé depuis une 50aine d’années mais nous avions à « assurer le service après-vente » et à développer les communautés chrétiennes. Ce sont les prêtres diocésains qui nous ont succédé.
Après Badou, je suis allé à Lomé pour la création de la Paroisse Ste Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Ste Face à Adamavo, dans la grande banlieue est de Lomé. Le P. Anthony Fevlo et moi avons eu un début difficile mais, petit à petit, d’autres confrères sont arrivés, dont le P. Gérard Bretillot. A plusieurs on couvrait mieux notre zone d’apostolat. Il fallait construire la maison Sma du secteur, des églises et une partie des écoles. Un très gros morceau ! Main dans la main, nous avons réalisé de bonnes structures d’accueil et de fonctionnement dans différents domaines.
Je me suis toujours efforcé de voir et de vivre l’apostolat positivement. J’attribue cela principalement au dynamisme et à la franche collaboration des chrétiens, parfois aidés par des non-chrétiens. Je suis pleinement convaincu que le ferment divin, l’Esprit-Saint, fait monter « la pâte chrétienne » sans attendre nos essais et nos balbutiements d’évangélisation. Bien sûr, Dieu peut avoir besoin des porteurs de la « Bonne Nouvelle », mais des porteurs peuvent oublier des choses qu’on leur a confiées, en casser et même parfois se tromper de chemin. Dieu sait lire et rectifier les faiblesses humaines.
En 2009, je suis revenu en France. Mon sentiment dominant : action de grâce à Dieu et à toutes les personnes avec qui j’ai travaillé, joie et positivité pour ces 48 années passées au Togo. Plusieurs de nos confrères ont laissé les empreintes de la SMA au Togo : Jean Perrin, Gérard Bretillot, André Chauvin… Qu’ils reposent en paix, mais qu’ils continuent surtout à intercéder pour le Togo en général et la chrétienté en particulier.
Claude RÉMOND
Après 6 ans de professorat dans notre collège de Haguenau je me retrouvai en octobre 1969 à Nyekonakpoé, un quartier ouest de Lomé coincé à la frontière du Ghana. C’est là que je découvris pour la première fois ce que pouvait être la barrière des langues. A toutes les gentilles vieilles dames qui venaient saluer le « Fada yéyé » (le nouveau Père) je ne pouvais répondre que par des sourires ou des tapes sur l’épaule. C’était assez frustrant, vu toutes les choses qu’on aurait aimé se dire de part et d’autre. Mais il fallait commencer par là : étudier la langue éwé pour pouvoir communiquer.
J’étais frappé par l’accueil des gens et leur grande patience envers les impairs que nous faisions parfois au niveau langue ou coutumes. Par leur patience, et aussi par leur sens de l’hospitalité. Heureusement que j’avais comme supérieur le Père Klerlein qui m’initiait sur ce qu’il fallait faire ou ne pas faire. Comme la première fois ou j’ai visité une station de brousse : je racontai à mon retour que je n’avais pas voulu prendre les deux poulets qu’on voulait m’offrir car je pensais qu’ils en avaient bien plus besoin que moi pour se nourrir… « Malheureux, me dit le Père, tu les as terriblement vexés, car refuser ce cadeau signifiait pour eux que pour toi ce n’était pas assez. » Avec les intentions les meilleures, comme on peut faire des impairs !
Après les trois années passées en paroisse, je me retrouvai de l’autre côté de la ville, à Bè, comme supérieur régional, c’est-à-dire au service des confrères à travers le Togo et chargé des relations avec l’Église locale. Avec l’arrivée du Père Charles Roesch, curé de la paroisse Marie-Reine, nous avons construit un presbytère, ce qui facilita par la suite la passation de la paroisse au clergé autochtone.
Accueillir à l’aéroport les confrères revenant de congé ou y allant, rechercher des pièces de voitures ou autres courses pour les confrères du nord, recevoir des passagers, visiter les confrères dans leurs missions, organiser des réunions de rencontres et de formation… c’était le quotidien de Bè. Mais je ne peux me rappeler ce temps sans penser à notre cuisinier Raphaël, un homme d’une efficacité et d’une discrétion admirables, le type même du bon et fidèle serviteur de l’évangile. Qu’il soit remercié ici pour tout ce qu’il a fait.
Ce qui a gâché les relations des Togolais entre eux, ça a été la politique. On a commencé à se méfier du voisin et de ce que l’on disait… Clientélisme, acharnement à éliminer de possibles présidentiables. Traficotage des constitutions pour rester au pouvoir… Cinquante années pour une même famille, cela ne suffit pas encore ! C’est bien dommage pour le Togo, qui ne méritait pas cela, mais, comme toujours, on se souvient du bon vieux temps !
Charles ROESCH
Mon séjour au Togo a été marqué par le souci du recrutement d’un clergé diocésain. A mon arrivée, en septembre 1956, j’ai constaté que le clergé indigène était pratiquement inexistant après un demi-siècle d’évangélisation du pays. L’archidiocèse de Lomé venait d’être créé, ainsi que le diocèse de Sokodé, avec un clergé de missionnaires SMA, dans les 70 environ, mais seulement une dizaine de Togolais pour Lomé et deux pour Sokodé. En cette année 1956, Mgr Strebler a donc fait construire le premier petit séminaire de Lomé, qui est encore en fonction en 2017. Je me suis mis à recruter chaque année, parmi mes servants de messe reçus au certificat d’études dans mes écoles de la mission, 2 à 3 jeunes que j’ai envoyés au petit séminaire. J’ai fait de même durant mon séjour à Tomegbé, ce qui fait que je compte aujourd’hui dans les 25 prêtres diocésains que j’ai aidé à former.
En 1983, j’ai accepté de prendre la relève du P. Cottez décédé, le fondateur de la paroisse de Tomegbé, à l’appel de Mgr Kpodzro, évêque d’Atakpamé, qui ne disposait alors que de 5 prêtres autochtones. De 1984 à 1994, il a ordonné 45 nouveaux prêtres, ce qui porte à cinquante le nombre de prêtres diocésains. J’ai donc demandé à Mgr Kouto, son successeur, de quitter cette paroisse au profit de l’un d’eux.
A mon grand étonnement, je viens de lire dans le journal « Présence chrétienne » que Mgr Barrigat, en sa cathédrale d’Atakpamé, vient d’ordonner 7 nouveaux diacres en vue de la prêtrise le 23 septembre, ainsi que 13 prêtres le 30 septembre. A Lomé, Mgr Denis Amouzou a ordonné 20 diacres pour le sacerdoce le 23 septembre. Ces diocèses sont donc à même d’envoyer chaque année des prêtres diocésains en Europe, des « Fidei donum » selon l’encyclique de Pie XII du 27 avril 1957, mais en sens inverse aujourd’hui de ce qui s’est fait il y a une cinquantaine d’années d’Europe en Afrique.