Bandeau
Société des Missions Africaines de Strasbourg
Slogan du site

La Société des Missions Africaines (SMA) est une communauté de missionnaires catholiques venant des cinq continents. Elle est présente en Afrique depuis 150 ans.

La SMA mène diverses actions en faveur de la santé, de la condition féminine et de l’éducation.

La communauté tamoule en Alsace
Article mis en ligne le 30 septembre 2019
dernière modification le 26 juillet 2020

par Daniel Jeyaray Reginald

Traditions et modernité

L’Inde et le Sri Lanka, qui ont respectivement eu leur indépendance le 15 août 1947 et le 4 février 1948, sont des pays qui vivent en très bonne entente. Ils sont connus pour leur spiritualité et leur culture très anciennes car à l’origine de la diffusion de quatre religions majeures, l’hindouisme, le bouddhisme, le jaïnisme et le sikhisme, d’abord à travers l’Asie centrale, puis à travers le monde ; ils ont en outre reçu le judaïsme, le christianisme, l’islam et le zoroastrisme. Bien qu’il y ait eu des violences au nom de la religion, il n’est pas rare de trouver des hindous et des chrétiens dans la même famille et, dans les villes et les villages, les différentes religions vivent ensemble. On meurt parfois à cause de ses croyances, lorsqu’on en oublie le message réel, mais la charité et l’esprit de l’évangile surmontent toutes les barrières et unissent les gens face à leurs problèmes, à leurs obstacles de toujours, au monde positiviste et matérialiste, aux dictatures et à l’obscurantisme.

Crèche vivante par les enfants
Photo Pakiadhass

L’Inde est une république fédérale composée de 29 États auxquels s’ajoutent 7 territoires d’union [1] ; sa superficie est de 3 287 263 km². Le Sri Lanka est une république socialiste et démocratique composée de 9 provinces ; sa superficie est de 65 610 km². Ce sont des pays très complexes, qui acceptent plusieurs langues comme officielles, plusieurs cultures, plusieurs fêtes et des modes de vie parfois étranges à nos yeux. Même les repas varient selon les régions et les provinces.

L’Inde et le Sri Lanka ont certes reçu des missionnaires de différents pays, comme le Jésuite François-Xavier(1506-1552), canonisé en 1622 par le pape Grégoire XV, le prêtre Joseph de Vaz (1651- 1711), canonisé par le Pape François le 14 janvier 2015 devant 500 000 Sri Lankais réunis à Colombo lors d’une messe sur le front de mer ; ou encore Mère Teresa (1910-1997), prix Nobel de la Paix en 1979, canonisée en 2016 par le pape François. Les missionnaires qui sont venus nous apporter la Bonne Nouvelle de Jésus nous ont enseigné que nous devons aller au-delà de la discrimination des castes, qui persistent toujours, et nous défaire d’un système qui rejette comme intouchable une partie de la population. Ils ont ouvert les premières écoles, convaincus que l’éducation n’est pas réservée à une caste particulière mais qu’elle s’adresse à tous. L’ignorance est en effet à la base de bien des maux.

Les Tamouls en Alsace

Toutefois, les Indiens et les Sri Lankais n’hésitent pas à partir de chez eux et ont envoyé, bien que les chrétiens y soient en minorité, de leurs ressortissants de par le monde : par exemple le Père Francis Kalan Madhan, qui s’occupe de la communauté tamoule d’Alsace [2] et le très estimé Père Anthony Dhass, qui a présidé tant de messes en Alsace et en Suisse [3].

Les Tamouls qui résident en Alsace viennent d’Inde, en particulier des anciennes colonies françaises de Pondichéry, Karikal et Mahé ; ceux qui sont originaires du Sri Lanka ont fui la guerre civile (1972-2009), dont le bilan est très lourd [4]. D’autres encore viennent d’ailleurs, par exemple de l’île Maurice. Au même titre que les différentes communautés de l’Archidiocèse de Strasbourg, ils ont le privilège de pouvoir prier dans leur langue. Cela aide les aînés à mieux s’adapter, à partager leurs expériences et à célébrer la vie et la foi avec les autres. Car, bien que ces gens aient émigré vers un pays étranger, ils entretiennent leur langue, leur culture et leur foi, qui est plus forte que tout. Ils vouent notamment une ardente dévotion à la Vierge Marie. Ainsi, les Tamouls d’Alsace fêtent tous ensemble la célébration de Notre-Dame de Veilankanni à Strasbourg, puis à Colmar en septembre. Notre-Dame de Madou Madha est célébrée en juillet à Heimsbrunn, près de Mulhouse. Enfin, la fête de l’Assomption se déroule à Notre-Dame de Marienthal : les Tamouls se joignent aux Français pour célébrer la messe et prier, d’autant plus que le 15 août est aussi l’anniversaire de l’indépendance de l’Inde. Chaque année, certains d’entre eux portent la Pietà ; la fête se termine par un moment convivial car l’endroit permet que l’on s’amuse et que l’on pique-nique.

Lors de ces deux dernières fêtes, les gens viennent de toute l’Alsace, mais aussi de Paris et de Suisse. Cela renforce encore le lien fraternel qu’entretient le christianisme avec les autres religions depuis le concile d’Assise en 1986, où les hauts dignitaires de chaque religion se sont réunis avec Jean-Paul II pour parler des religions qui doivent s’épauler et créer des projets ensemble.

Enfin, parmi les grandes fêtes que célèbrent les communautés tamoules d’Alsace, il y a Oli Vizha, en décembre, juste après Noël. En tamoul, cela signifie « Fête des Lumières ». Les femmes, qui sont toujours très actives, organisent à cette occasion des activités auxquelles les jeunes participent : danses traditionnelles, comme Bharata Natyam, et bollywooodiennes, chants, crèche vivante, tombolas et repas. A la fin, quelqu’un se déguise Père Noël, à la grande joie des enfants qui reçoivent de sa part un Père Noël en chocolat ; ainsi s’achève ce moment joyeux de partage et d’amour. Les parents, et surtout les mamans, s’investissent beaucoup auprès des enfants. Elles les aident à apprendre le tamoul, les prières et les danses indiennes, ce qui apporte un plus à leur culture générale ainsi qu’à leur avenir professionnel ou familial.

Danse d’accueil
Photo Pakiadhass

Partager la Bonne Nouvelle

Certaines familles invitent le P. Kalan Madhan à dire des messes chez eux ; ils accueillent des proches pour prier le chapelet. Nous lisons aussi la parole de Dieu, qui est à la base de la vie chrétienne, et nous partageons l’Évangile en tamil. Enfin, le Père bénit la famille qui l’a accueilli et lance de l’eau bénite sur tout le monde. Cela se termine par un repas ou un goûter. Ces messes ont lieu tous les mois dans des familles différentes. Pour les messes ordinaires, nous nous réunissons le premier dimanche du mois. La particularité, par rapport à une messe française, c’est qu’au moment de l’offertoire, des personnes offrent des gâteaux, des bonbons, des fruits, et parfois des bouteilles de champagne. Lors des grandes fêtes comme Noël ou Pâques, trois jeunes filles, juste après l’offertoire, exécutent une danse qui s’appelle Anjali, en louange à Dieu qui nous donne la lumière (Oli Anjali), les fleurs (Malar Anjali), l’encens (Touba Anjali) car Dieu nous éclaire par la lumière, nous fait admirer sa création par l’intermédiaire des fleurs et nous écoute.

Chaque année, pendant le Carême, nous faisons une retraite spirituelle. Nous invitons un prêtre originaire de l’Inde, du Sri Lanka ou de l’extérieur de l’Alsace, pour que les gens se préparent à la confession, ce qui veut dire que chacun commence une nouvelle vie en Christ, en attendant Pâques.

Tout comme dans les réunions familiales qui rassemblent des personnes de confessions différentes, nos frères hindous sont nombreux à nous rejoindre pour nos célébrations chrétiennes. Ils assistent à la messe, suivent les processions et partagent le repas avec nous. Leur rôle est essentiel car ils fournissent une partie de la nourriture que l’on offre aux pèlerins et aux participants. Et nous, les catholiques, nous nous faisons une joie de les retrouver lors de leurs réjouissances et de leurs cérémonies spécifiques comme le Pongal Vizha. Ici, on voit quelques dames vêtues du sari, le vêtement traditionnel du Népal, de l’Inde et du Sri Lanka ; elles sont de la communauté tamoule de Strasbourg et chantent pendant la fête d’Oli Vizha mais prennent aussi part à d’autres manifestations.

Danse traditionnelle Bharata Natyam
Photo Prasanna

Les défis de l’insertion

Quitter leur pays d’origine et se retrouver plongés dans une culture si différente de la leur représente un grand défi pour les Tamouls d’aujourd’hui. D’autant plus que, depuis la crise économique de 2008-09, appelée aussi « crise des subprimes », la France souffre d’un fort chômage ; il est donc difficile pour les Tamouls de trouver du travail et un logement, et plus encore d’apprendre une langue nouvelle. Ils sont toutefois prêts à de gros efforts pour s’insérer dans la société française. La plupart des anciens comprennent un peu le français, mais les jeunes n’ont aucune difficulté à le parler comme si c’était leur langue maternelle. On peut dire aussi que les Tamouls sont très impliqués dans la vie paroissiale puisque certains adultes y tiennent des responsabilités, comme être membres du conseil pastoral ou de la chorale. D’autres font partie de l’animation liturgique ; les femmes enseignent ainsi avec succès le catéchisme aux enfants. Quant aux jeunes, certains intègrent les rangs de la Jeune Organisation Catholique ; d’autres participent à la chorale, dont les séances ont lieu le dernier dimanche du mois. Par ailleurs, les Tamouls se marient de plus en plus avec des Français, ce qui favorise les contacts avec d’autres cultures et la mixité sociale.

Accompagner les Tamouls, dont les traditions catholiques sont fort anciennes puisqu’elles remontent à l’arrivée de St Thomas en Inde en 52 ap. J.-C., c’est aussi faire œuvre de missionnaire. Ce grand défi procure des joies inestimables. Nous travaillons pour que l’avenir soit rempli de bonheur afin de glorifier ainsi la création divine et rendre grâce à Dieu.