
par Nestor Nongo Aziagbia
23ième dimanche ordinaire
Textes : Sg 9, 13-18 ; Ph 9b-10.12-17 ; Lc 14, 25-33
Quelle impression se dégage-t-elle de Jésus à la lecture de l’Evangile d’aujourd’hui ? Le moins qu’on puisse dire c’est qu’il manque de tact et de diplomatie. Il ne saurait faire un bon commercial. Voyez-vous une entreprise qui engagerait un agent qui ne sache pas présenter les offres de manière alléchante ? La prestation ne correspond pas toujours à la qualité du service, mais l’essentiel c’est d’écouler la marchandise. Alors on se sert parfois d’artifice pour embellir l’offre et la rendre ainsi beaucoup plus attrayante.
Toutefois l’Evangile ne se préoccupe ni des principes économiques ni des états d’âme. Il répond à d’autres impératifs. En effet, Jésus y définit par contre les exigences liées à l’engagement et à la vocation du disciple lorsqu’il exhorte ses auditeurs en ces termes :
Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher derrière moi ne peut pas être mon disciple…. De même, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tous ses biens ne peut pas être mon disciple [1].
Le ton est donné. Voilà un propos qui a le mérite d’être clair et ne comporte aucune ambiguïté. Au-delà d’une quelconque désinvolture, Jésus encourage néanmoins les foules à opérer un choix. Ce choix de vie est radical dans sa teneur et engage les disciples dans tous les aspects de leur existence. C’est un engagement qui ne se prend pas sur un coup de tête ou à la va-vite. Il a besoin d’être mûrement réfléchi, tant les implications et les conséquences sont importantes. Je pense notamment à ce professeur d’école de religion musulmane qui enseignait dans une des écoles catholiques dans le vicariat apostolique de Kontagora, au Nigeria. Après plusieurs années d’enseignement au contact des religieuses dominicaines, il décida de se convertir au catholicisme. Sa décision ne suscita aucun enthousiasme parmi les siens, qui cherchèrent dans un premier temps à l’en dissuader. Ils considéraient en effet cette initiative comme un égarement. Puisqu’il s’entêta dans sa nouvelle voie et ne voulut rien céder, la famille prit les gros moyens et entreprit alors d’intenter à sa vie. Il dut s’enfuir nuitamment pour sauver sa peau. Du coup, il a tout perdu. Dans le cas des martyrs, leur détermination les a menés à une mort atroce. Ils ont témoigné jusqu’au don de leur propre sang.
D’une manière moins dramatique, un ami m’a expliqué comment il est arrivé à devenir de plus en plus indifférent à sa sœur, au point qu’ils s’ignorent mutuellement. Ce n’est plus le grand amour entre eux. Chacun a pris ses distances par rapport à l’autre. Tout est parti d’un différend relatif à leurs convictions religieuses. La sœur voulait contraindre son frère à agir contre sa foi en Jésus Christ. Elle s’est offusquée de son refus, y voyant une impertinence et une insolence à son égard. Ce fut alors le commencement des relations froides. Chacun pour soi, désormais, dans une indifférence complète.
Voilà ce à quoi s’engage le disciple en se mettant à la suite du Christ. Il doit savoir que son chemin, sur les pas du Maître, passera par la croix. Etre disciple du Christ, c’est l’aimer, et cela ne peut se faire à moitié. Les exigences énoncées par Jésus ne sont que la formulation de la liberté du disciple. Cette dernière s’oppose aux valeurs que peut proposer le monde et lui garantit de vivre dans la fidélité au Seigneur et à son engagement.