
par Casimir Kieszek
Au Caire depuis 2009, le Père Casimir Kieszek a pris en charge la paroisse de Choubra et la maison des Missions Africaines, la dernière qui reste en Egypte.
La propriété sma, autrefois plus vaste, comprend aujourd’hui plusieurs entités. Je suis responsable d’une école qui accueille une quarantaine d’enfants infirmes, pour la plupart handicapés-moteur. Un bus les ramasse le matin et les ramène chez eux l’après-midi. Ils suivent un petit cursus scolaire, font des travaux manuels et participent à une kermesse annuelle durant laquelle ils vendent de petits paniers, des confitures, des savons… On a le projet d’un petit kiosque de vente permanente. Les élèves, tout comme les enseignants, sont de religion chrétienne ou musulmane. Cet établissement, le premier de ce genre en Egypte, a le même statut qu’une école d’Etat. Il a suscité d’autres créations dans le pays, une profonde transformation de la mentalité égyptienne car, auparavant, les familles avaient honte de ces enfants.
A côté, les sœurs NDA tiennent une grande école de filles, un dispensaire et un jardin d’enfants. Il y a encore l’école St Paul qui, elle aussi, reçoit chrétiens et musulmans. Deux fois par semaine, les Sœurs accompagnent à l’église St Marc les filles de leur école pour une messe selon le rite copte.
Choubra est un quartier d’environ 4 millions d’habitants. Les chrétiens y sont nombreux et fréquentent une trentaine d’Eglises de différentes confessions. J’entretiens d’excellentes relations avec toutes et vais prochainement organiser une semaine œcuménique pour rassembler les jeunes. Ils sont chrétiens et ne se soucient guère des divisions d’Eglise. Ils viennent à la paroisse catholique St Marc pour Noël et pour les fêtes. « C’est le même Jésus », disent-ils.
De même, la paroisse offre une salle à l’usage des scouts. Ceux-ci sont surtout orthodoxes, mais ils assistent souvent à la messe du vendredi. Ils participent volontiers aux activités paroissiales, et l’ont amplement montré lors de la messe pour le président polonais à laquelle assistaient aussi une quarantaine d’ambassadeurs.
La messe est dite à St Marc tous les jours à 18h30. Après quoi un « club » est ouvert jusqu’à 23h. Chaque soir, une soixantaine de personnes se réunissent ainsi pour des discussions, des conférences, un film religieux, de la musique religieuse etc. Tous les âges sont représentés, de 3 à 90 ans ! Le vendredi, jour férié hebdomadaire en Egypte, l’adoration du Saint Sacrement précède la messe. Les gens sont disponibles et viennent de plus en plus nombreux.
Derrière l’église St Marc se trouve ce qui fut, à sa création, la première salle de cinéma d’Egypte. Elle a été rénovée et sert aujourd’hui de salle des mariages. Ce sont surtout les coptes qui se marient ici. On y célèbre environ 100 mariages par an. L’église est aussi louée pour des concerts, des films.
La généreuse contribution des paroissiens permet de gérer la paroisse et de payer les 18 ouvriers, mais aussi de restaurer l’intérieur de l’église, les statues et les salles. Tout aujourd’hui a été réparé et réaménagé. L’ambassade de Pologne, d’autre part, a largement offert son aide à l’école des handicapés.
La maison sma est ainsi devenue un lieu important pour la chrétienté en Egypte, pour les stagiaires des Missions Africaines, pour le dialogue entre islam et christianisme. Elle renforce la présence des catholiques dans le pays. L’église St Marc qui, lorsqu’elle fut construite, était la plus grande d’Afrique, fonctionne aujourd’hui comme un centre culturel œcuménique. L’évêque latin y vient très souvent car la paroisse est sous sa juridiction. Il y donne une conférence pour les jeunes une fois par semaine.
Avec le temps, St Marc de Choubra devrait devenir la paroisse des diplomates. Bien qu’il reste à trouver un arrangement avec le nonce apostolique, j’y célèbre déjà une messe chaque semaine pour la communauté polonaise. Je me suis attaché les ambassadeurs, comme ceux de Pologne, de Centrafrique, du Bénin et de Côte d’Ivoire. Ainsi, quatre d’entre eux sont venus le Vendredi Saint assister au chemin de croix que dirigeait le nonce. Grâce à la venue de ces importantes personnalités, la rue a changé. La municipalité se fait un point d’honneur à la nettoyer régulièrement. Les nouvelles boutiques qui se sont ouvertes en font un lieu plein d’activité. Les gens sont très heureux de constater que leur quartier acquiert ainsi une meilleure notoriété.
C’est pourquoi la paroisse n’a pas été inquiétée par les émeutes du début de cette année. Les policiers la surveillaient jour et nuit. Ils se montrent très aimables et fréquentent le « club », même s’ils sont d’une autre religion. Favorables au changement de régime, les habitants de Choubra se sentent aujourd’hui plus libres. Les différences de religion ne font aucun problème car les Egyptiens sont aimables et hospitaliers par nature et ont un grand sens de l’humour. Les jeunes, d’ailleurs, craignent l’extrémisme de certaines mouvances. Qu’ils soient musulmans ou chrétiens, ils se sont ouverts au monde, ils voyagent et surfent sur Internet. Comme partout...
propos recueillis par Marc Heilig