
Il y a bien longtemps, le Père Edouard m’avait dit : Tu prêcheras à mon enterrement et il avait ajouté : « tu ne parleras pas de moi, mais du prêtre et de la vocation sacerdotale. » Mais comment séparer les deux ? N’est-ce pas une belle manière de parler du prêtre que de regarder comment le Père Edouard a vécu concrètement son sacerdoce ?
En cette chapelle des Missions Africaines, je voudrais d’abord faire mémoire de la 1ère étape de sa vie, au cours de laquelle il a été formé par les Pères des Missions Africaines. C’est à ce moment là, au contact d’un bon nombre de pionniers de l’évangélisation, qu’il a vraiment découvert Jésus comme le Chemin, la Vérité et la Vie [1]. C’est aussi à ce moment-là qu’il a fait l’expérience de la vie fraternelle en communauté. Il n’oubliera jamais ses grands amis d’alors, tels le Père Joseph Gass et le Père Hubert Grieneisen, qu’il sera heureux de retrouver dans cette maison de Saint-Pierre, malheureusement pour un temps trop court.
La 1ère mission du jeune prêtre a commencé en 1936. Cette année-là, les Missions Africaines font l’acquisition d’une maison en Lorraine, le Zinswald. Et on demande au jeune et dynamique P. Demerlé d’être aux côtés du P. Joseph Muckensturm, le Supérieur de la maison. Il s’agissait d’équiper et d’aménager cette demeure afin qu’elle puisse devenir un centre de rayonnement missionnaire dans cette partie du diocèse de Metz.
Effectivement, après les années de guerre, le Père Edouard sillonnera le diocèse de Metz à la recherche de vocations. Un beau jour de l’année 1948, il viendra même frapper à la porte de notre maison à Forbach et m’invitera à le suivre afin de devenir prêtre et missionnaire. J’avais alors 10 ans et j’ai répondu « oui » avec joie et confiance. Vous comprenez alors que j’ai une raison tout à fait personnelle pour lui dire ma reconnaissance en ce jour.
Voilà pour la partie proprement Missions Africaines de son parcours de prêtre… En effet, il ne pouvait pas, à ce moment-là, envisager un départ en Afrique. Il sera donc missionnaire dans sa terre natale et consacrera au diocèse de Metz son ardeur et sa flamme d’apôtre. Ses anciens paroissiens de Dannelbourg, de Danne-et-Quatre-Vents, de Phalsbourg et de Trois-Maisons garderont de lui le souvenir d’un prêtre entièrement donné : Sois le berger de mes agneaux, sois le pasteur de mes brebis, prends soins de mon troupeau [2]. Ce troupeau, il ne se contentera pas de le rassembler dans les églises et les chapelles. Lui-même, partout et toujours, ira à la rencontre des laïcs et se consacrera à leur formation. Il rayonnera dans tout le secteur de Phalsbourg, et jusque dans les villages à proximité de Château-Salins, pour mettre sur pied des équipes d’Action Catholique des Hommes.
Antoine Thomas, notre membre honoraire sma de Dannelbourg, peut témoigner : Pendant un temps, je l’ai l’accompagné presque tous les soirs d’un village à l’autre, j’étais tellement fasciné par ce prêtre que je n’hésitai pas pour cette grande cause à laisser mon épouse seule à la maison ! Le Père Edouard lancera tour à tour la JAC, la JOC ; il mettra en route des équipes de CMR [3]. C’est lui qui avait lancé l’équipe d’Action Catholique des Femmes, qui se réunit toujours au Zinswald.
A Dannelbourg, il avait réussi à rassembler les gens de tout le village autour d’un grand projet : un spectacle en plein air retraçant l’histoire du Pèlerinage des Trois-Epis. Il galvanisera aussi les jeunes, pour lesquels il organisera des camps de vacances à l’étang de Hanau. Avant même la tenue du Concile Vatican II, en précurseur, il avait pris conscience que le prêtre se doit d’être un rassembleur : Le prêtre, dira le Concile, continue dans notre monde d’aujourd’hui, le rôle de Jésus bon Berger, il réunit la famille de Dieu, il rassemble la communauté des frères et il la conduit vers le Père.
C’était devenu sa devise : rencontrer et rassembler les personnes afin de former des communauté vivantes. Le récent projet pastoral du diocèse de Metz ne dit pas autre chose. En toute occasion, la grande préoccupation du Père Edouard était de mettre l’évangile au cœur de la vie des gens. Que les gens ne se contentent pas de prier et de chanter des cantiques, mais qu’ils se réunissent pour partager les problèmes et les inquiétudes de leur vie : voir, juger, agir… Et qu’ils cherchent ensemble comment Jésus peut devenir pour eux le chemin, la vérité et la vie. A tout moment, notre confrère poussait les gens à s’engager concrètement. Un jour, il disait à mon père : Tu es membre du Conseil de fabrique. C’est très bien, mais essaie d’avoir en plus de ton engagement pour l’Eglise un engagement dans la cité…
Et maintenant faisons Eucharistie. Combien de fois le Père n’a-t-il pas célébré l’Eucharistie ! Sans doute plus de 25000 fois pendant les 76 ans de sa vie sacerdotale ! Nous voulons la célébrer une fois de plus avec lui et pour lui [4]. Nous voulons rendre grâces au Seigneur pour cette ardeur et ce dynamisme tout à fait exceptionnels qu’il ne cessait de communiquer, même durant sa retraite. Lui-même nous disait l’an passé en toute humilité : Le Seigneur m’a appelé à être prêtre. Je suis heureux d’avoir pu le servir dans l’Eglise, qui a pour mission de rassembler et de sauver le monde.
Que Jésus, le Chemin, la Vérité et la Vie, accueille maintenant dans sa joie son bon et fidèle serviteur Edouard et le conduise vers le Père !